Tout sur le

Conseil National des Universités

de France

  

La présente page est destinée à tracer l'éloge de notre très auguste C.N.U., sous toute forme littéraire adaptée, pourvu que l'on veuille bien nous adresser quelque sonnet ou autre poème héroïque à cet effet.

Rappelons tout d'abord que la noble institution du C.N.U. fut récemment créée dans l'unique dessein de lever l'incroyable et aberrante interdiction faite aux titulaires d'un doctorat de postuler à quelque fonction dans l'université françoise.

Voyez-vous bien cela ?! Dans notre beau pays, de république historique, avant la création du C.N.U. et, sans doute, en raison de la cacophonie démocratique qui régna après la Révolution, aucun titulaire de doctorat ne pouvait postuler en tant que Maître de conférences ou Professeur à l'université ! Si bien que depuis tout ce temps, les étudiants préparaient seuls leurs cours et, par la force des choses, falsifiaient leurs diplômes, allaient parfois les passer à l'étranger ou bien se les décernaient entre eux, sans garantie ecclésiastique puisque celle-ci avait été décapitée peu après 1789. C'est alors qu'une salutaire et courageuse commission de sages et de philanthropes athées s'est érigée d'autorité afin de permettre, au moins à un tiers de nos nouveaux docteurs, de pouvoir enfin postuler, après constitution d'un solide dossier postdoctoral, à ces fameux postes désespérément vacants par erreur législative.

Le C.N.U. a donc pour mandat de lever (certes partiellement et provisoirement parce que la tradition françoise a toujours donné le temps au temps) les effets d'une aberration juridique unique au monde et naturellement insoluble par quelque autre voie.

N'hésitons alors pas à souligner que le but sous-avoué du vénérable C.N.U. serait, à terme, d'autoriser tout docteur universitaire françois à postuler à quelque chose, sans avoir à décupler le mérite de son doctorat ni à attendre la veille de sa retraite (si tant est qu'il en ait une) pour obtenir enfin la reconnaissance de sa valeur. Comme nul n'ignore que nos diplômes de troisième cycle sont déjà tellement réputés pour la difficulté qu'ont les étudiants à les obtenir, l'on se demande bien comment le législateur avait pu se fourvoyer au point de mettre en œuvre un tel veto face auquel seul un Conseil des Sages typiquement françois pouvait s'opposer.

Disons-le encore haut et fort : c'est désormais grâce à l'éminent et audacieux C.N.U. qu'un tiers de nos docteurs-chômeurs, si injustement nombreux, peut enfin postuler à un boulot (Nos voisins diplômés, républicains ou non, eux, ont toujours eu cette possibilité sans contrainte, ce qui était, et est toujours, très injuste). Le C.N.U. est donc un organisme utile qui devrait être institué dans tous les pays d'Europe en tant que 1) garant de l'accès à l'emploi pour tous les hauts diplômés, et 2) dépositaire de la respectabilité de nos éminents enseignants de l'université.

Vive le C.N.U. ! Vive les François ! Vive la Gaule !

Texte premier

Texte second

Texte premier :

Malgré sa mission passée, présente et à venir de salubrité publique, le C.N.U. fait l’objet de critiques. D’aucuns remettent ainsi en cause sa fonction, qui ne profiterait qu’à une poignée de nantis, biens nés et favorisés triés sur le volet suivant des critères douteux et variables selon les sections, les présidences, les vices-présidences, les assesseurs, les rapporteurs, les années, les pressions, les règlements de comptes, les renvois d’ascenseurs les enjeux de carrières. D’autres dénoncent son caractère nuisible, échappant à tout contrôle des lois républicaines, les violant même allègrement, sans possibilité de recours pour les candidats. Les perfides ajoutent qu’aucun pays ne nous a emprunté ce modèle, jetant ainsi aux orties l’exception culturelle françoise, qui fait la fierté de notre République aux devises éternelles.

Dans un article publié sur le site du S.N.E.S.U.P., Jacques Guyot a la dent dure pour vilipender cette « machine », dont le tiers des membres nommés par le Ministère détournerait « le suffrage des enseignants-chercheurs. » Il note que tous les syndicats la gauche, la droite et les « chevaliers blancs » de l’Autonome condamnent le fonctionnement du C.N.U. Ce qui ne les empêche pas d’y participer et d’y sévir, mais il s’agit là d’un débat de jésuites !

Sur le site du Sénat, Maurice Godé, président de la section « Langues et littératures germaniques et scandinaves », se plaint que ses frais de transports ne soient pas remboursés. Plus sérieusement, il note que le mode d’élection des deux tiers des membres « élus sur la base d’un scrutin de listes sans possibilité de panachage […] est inadapté car il oblige les électeurs à voter pour l’ensemble d’une liste, indépendamment des qualités scientifiques des individus qui la composent. »

Faut-il entendre que certains présidents acceptent de diriger des sections profanant les règles démocratiques élémentaires ? Que des membres de l’auguste institution n’auraient pas les qualités requises pour y siéger ? Qu’un tiers de la noble assemblée relève du choix de principautés tournantes et les deux tiers de basses machinations ? Qui oserait penser une chose pareille ?! Le même vertueux dignitaire ne reconnaît-il pas que « la plupart des vacataires n’ont pas un profil d’enseignant-chercheur » ni « les titres pour être titularisés dans l’enseignement supérieur » ? Président, encore un effort si vous voulez être républicain !

Sur le même site, Alain Bretto, enseignant à l’université de Saint-Étienne, considère la puissance de ce « comité central, appelé C.N.U., qui n’a rien de démocratique », « a le pouvoir de vie et de mort sur les enseignants-chercheurs et dont l’unique but est de maintenir une infime minorité d’individus au pouvoir renforçant ainsi les magouilles locales et nationales. » Aussi suggère-t-il de supprimer ce « système mafieux basé sur le terrorisme. » N’ayons pas peur des mots ! De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! On pourrait ainsi multiplier les critiques non fondées adressées à cet organisme (1), qui en a subi et en subira d’autres, mais à quoi bon recenser les jalousies, les rancœurs, les venins animant ces plumes d’Ancien Régime ?

En réalité, le C.N.U. souffre de sa renommée presque nulle et d’un déficit de communication de la part de ses patriciens. On connaît, au moins de nom, le Conseil des Ministres, le Conseil Constitutionnel ou le Conseil d’Etat, mais qui a entendu parler du Conseil National des Universités ? Qui s’est aventuré à louer son utilité, son activité et sa dignité ? Personne, hélas, pas même ses membres à la réserve et à la modestie légendaires. D’où la nécessité d’esquisser ici la triple fonction, officielle, officieuse et pédagogique, de cet organisme de l’ombre, qui occupe pourtant une place essentielle dans tout le système éducatif françois.

1. Sa fonction officielle : il s’agit de faciliter la tâche aux universités lors des demandes d’emplois des enseignants-chercheurs postulants, d’effectuer un premier tri parmi les trop nombreuses candidatures, d’écarter les dossiers « fantaisistes ». Sur quels critères ? Laissons les mauvaises langues tonner contre les textes officiels, qui ne faciliteraient pas la tâche des postulants, mais seulement celle des « élus » et des « nommés », aux canines bien acérées. Passons outre les pinailleurs, les intégristes du Grevisse, qui accusent le Ministère d’ignorer l’orthographe, alors que l’étourderie et l’informatique sont seules en cause, notamment sur le site officiel Antares (où le « le cahet de la poste » fait foi) et pour la vénérée Section 09 (« Langue et litterature francaises ») et ouvrons le Journal officiel du 20 mai 2005, n° 116, texte n° 18, p. 8735. Parmi les trois documents requis pour postuler, il faut se réjouir de l’importance accordée à la thèse de doctorat, qui d’emblée exclut les autres gens de lettres et de culture, sans autre forme de procès. Car il s’agit d’enseigner, de chercher, de formater, de calculer, non de rêver, d’imaginer, de délirer, de créer.

Curieusement, le C.N.U. ouvre aussi ses portes à des candidatures dites « professionnelles », comme celles justifiant « d’au moins trois ans d’activité effective dans les six ans qui précèdent, à l’exclusion des activités d’enseignant, des activités de chercheur dans les établissements publics » (article 1. 2°). Mais cette anomalie n’existe souvent que pour la forme, ou au besoin pour intégrer des amis du Ministère lassés du privé ou en quête de pantoufles post-électorales. Requis, souverain, le doctorat peut toutefois ne pas être envoyé, un candidat ayant la possibilité d’adresser ses ouvrages déjà publiés, afin de valoriser sa qualité de chercheur confirmé. (De nombreuses thèses ne sont pas publiées ou bien elles sont éditées chez des éditeurs non commerciaux, aux tirages confidentiels, voire à comptes d’auteurs). Les textes mentionnent : « Il est fortement recommandé de joindre la thèse parmi les trois documents qui sont demandés. » Donc, pas obligatoire. Outre les trois pièces, il est précisé qu’une « activité de publication régulière est un point positif » et qu’une expérience dans l’enseignement supérieur « peut être valorisée. » Pourquoi dès lors se plaindre que ces possibilités, non seulement se transforment la plupart du temps en obligations, mais que ces gages ne suffisent pas ? Chacun sait pourtant que les raisons d’une qualification ou d’une disqualification se situent ailleurs. Surtout qu’aucun justificatif d’enseignement – C.A.P.E.S. ou Agrégation – n’est demandé. Le candidat roué peut s’inventer autant de quartiers de noblesse qu’il le souhaite ; il peut même truquer ses rapports de soutenance ; nul n’ira lui chercher des poux dans la tête !

2. Sa fonction officieuse : faire du chiffre en recalant, selon les statistiques officielles du Ministère, plus de la moitié des candidats. Dans la section 09 de 2006, 123 dossiers furent qualifiés (72 femmes et 51 hommes) sur 265 examinés (164 femmes et 101 hommes), pour combien de postes « ouverts au concours » ? En 2007, il y a 34 postes à pourvoir dont 10 ne sont que « susceptibles d’être vacants »... Cette sélection, qui ne prend pas encore en compte la couleur de peau, la religion, l’âge ou le dossier médical, est bienveillante, chrétienne. Elle permet de ne pas entretenir une masse trop importante de docteurs dans l’illusion d’un poste à venir et de maintenir les heures supplémentaires des enseignants-chercheurs titulaires, dont le nombre n’est pas publié par le Ministère, afin de donner à chacun la liberté de « travailler plus », selon la terminologie politique en vigueur dans les camps se disputant le pouvoir. Pour évincer les prétendants, les rapporteurs disposent d’angéliques raisons. Faute de temps, les dossiers font l’objet de survols. Mais à qui la faute si une lecture à la hussarde du C.V. et des rapports de soutenance suffisent pour rédiger un rapport d’une ou deux pages, qui décidera d’une vie ? Les enseignants-chercheurs du C.N.U. n’ont-ils pas d’autres chats à fouetter ?

Par-delà ce juste mépris des candidats, le « petit monde clos de l’enseignement et de la recherche » (2) reste prudent. D’un côté, le rapporteur-laquais doit se garder de froisser certaines susceptibilités, s’il ne souhaite pas voir sa carrière retardée ou entravée ; de l’autre, en pervenche de la pensée, il doit, au besoin avec mauvaise foi, justifier ses contraventions, en harmonie avec son collègue, ce qui ne va pas toujours de soi. En cas de désaccord entre les rapporteurs – fait rarissime tant l’homogénéité, le carriérisme et le clientélisme règnent – le président tranche. Il peut aussi, droit du prince, décider de couler ou de sauver un candidat, contre l’avis des rapporteurs. Tout en songeant à ces protégés, doctorants et docteurs, qui pourraient subir les foudres du nouveau Conseil, une fois sa présidence achevée. Aussi n’est-il pas rare de voir un dossier lynché par deux rapporteurs et encensé par deux autres l’année suivante, quelquefois pour les mêmes raisons ! Science, quand tu nous tiens !

3. Sa fonction pédagogique : en vérité, je vous le dis, tout cela est bien naturel et s’en offusquer relèverait de la naïveté ou de la canaillerie. Le monde n’est pas beau, les humains ne sont pas innocents, le bonheur ne fut pas conçu dans le plan de la création, on le sait ! Les élites intellectuelles de la République doivent-elles échapper à la bêtise universelle et montrer l’exemple ? Certes non ! D’autant que dans ce milieu les rivalités sont tenaces et les haines éternelles ; qu’importe si les enjeux sociaux, cérébraux et moraux peuvent, vus de la lune, apparaître comme dérisoires et puériles ! Nos enseignants-chercheurs du C.N.U. ne sont-ils pas de grands enfants ? Comme dans une cour de récréation, les clans, les castes, les coteries se forment en fonction de critères. L’enseignement et la recherche s’apparentent alors à des querelles de marelles ou de balles aux prisonniers ; les perdants parleront de chapelles, de trahison des clercs, mais ces Gaulois sont fous ! Car les postulants du ou des camp(s) adverse(s) doivent tous être éliminés, c’est la Loi. Les membres du C.N.U. ayant le statut d’intouchables, leurs arrêts sont sacrés. Les candidats laissés sur le banc de touche doivent se plier, obtempérer sans sourciller ; c’est justice. Sortez ! Et que je ne vous y reprenne plus ! Mauvais joueurs !

Qu’on ne s’imagine pas pour autant que disqualifier un candidat soit un exercice facile. Il s’agit d’une prouesse de style peu commune, d’un d’apprentissage de l’éreintage, d’une pédagogie de l’éviction pour les rapporteurs qui, souvent la mort dans l’âme, rédigent leur verdict. Sur dix ou quinze pages de rapports de soutenance de thèse, il n’est pas aussi simple d’éluder tout éloge, tout mérite, de prélever quelques citations critiques, de les monter en épingles, d’ajouter quelques réflexions et questions stériles, pour conclure, d’un coup de cravache impérial : « Félicitations, vous avez votre place au salon des refusés !» Il n’est pas plus aisé d’utiliser des arguments illégitimes, fallacieux, conformistes, absurdes, même si cela fait partie des règles d’un jeu où tout est permis (mensonges, découpages de citations, phrases extraites de leur contexte, sélection orientée des documents présentés, franc dénigrement, etc.). Le plus périlleux reste le rapport élogieux, avec une réserve, peu importe laquelle, qui fera chuter le candidat. Car le but, nul ne l’ignore, est de masquer les seules vérités importantes : vous n’êtes ni normalien ni agrégé, vous ne fréquentez pas la bonne société, nous n’avons pas reçu le coup de téléphone ou la lettre confirmant votre inscription à un réseau d’influence, votre directeur de thèse est inscrit sur notre liste rouge… Et puis, nous devons faire du chiffre ! Pour passer le guet du C.N.U., à de rares exceptions près, il faut donc être titulaire du bon label et surtout savoir courtiser.

Ainsi le C.N.U. contribue grandement à la noblesse de la République. Loin d’être une annexe de l’A.N.P.E., un comité carriériste de filtrage, de censure, dapartheid universitaire composé de tartuffes, de guignols, de marionnettes, de maîtres et d’esclaves pervers et obsédés par le pouvoir, comme des marauds osent le prétendre, ce Conseil des Sages incarne, pour tous les docteurs chômeurs et précaires présents et à venir, l’espoir de recevoir un jour l’onction de la patrie reconnaissante.

Longue vie au C.N.U ! Longue vie aux François ! Longue vie à la Gaule profonde !

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(1) Sur le site « enerve-de-service.hautetfort.com », un enseignant-chercheur résume ainsi le processus dans son « Théorème n°3: endogamie du service public » : L’auto-reproduction, ou endogamie, est une propriété des oligarchies. Elle en est non seulement la conséquence, mais une condition nécessaire. Une oligarchie est obligée de produire ses propres élites, sinon elle ne pourra pas se maintenir. Lorsque les élites n’ont pas les moyens (matériels, financiers) de se reproduire elles-mêmes, elles procèdent par sélection ; sélection au niveau de l’embauche (« recrutement » en langage de fonctionnaire) ou de la progression de carrière (« promotion » dans la langue du service public Français). Le principe est de choisir, parmi la matière première disponible (les candidats au recrutement ou à la promotion), la substance la plus conforme aux attentes du système. Les critères de sélection sont bien entendu définis par les élites. Celles-ci étant responsables de la structure du système, elles définiront tout naturellement des critères qui cadrent avec leur propre profil. Les candidats recrutés ou promus seront donc ceux qui seront les plus semblables aux « chefs » en place. Que l’on ne se méprenne pas : ce processus n’est pas conscient; les élites sont sincèrement convaincues que leur profil est le meilleur possible. Et dans un sens, c’est vrai, puisqu’elles ont été recrutées selon des règles établies expressément pour elles.

Exemple : le recrutement des universitaires. Pour être recruté comme maître de conférences ou professeur d’université, il faut franchir plusieurs étapes :

1.  obtenir un diplôme (doctorat ou habilitation)

2.  se faire qualifier aux fonctions visées

3.  se faire recruter

L’étape de qualification est très spécifique à la France, pays centralisé par excellence. Les futurs candidats ne le savent pas toujours, mais une fois votre doctorat obtenu, vous n’avez pas le droit de poser directement votre candidature à un poste d’enseignant-chercheur dans une université si vous n’avez pas obtenu ce petit machin qui s’appelle « la qualification ». Jusqu’à il y a quelques années, on ne vous l’expliquait absolument pas sur le site de l’Éducation Nationale ; à présent, on a fait un peu plus de progrès sur la transparence (1 paragraphe succinct sur « recrutement »).

La qualification consiste à envoyer votre dossier à un organisme, appelé le Conseil National des Universités (C.N.U.), constitué de personnes nommées pour partie et pour partie élues, qui va statuer au niveau national sur votre capacité à candidater sur des postes d’enseignant-chercheur qui seront éventuellement disponibles à l’avenir. Autrement dit, le C.N.U. opère un premier filtrage des candidatures. L’objectif avoué est de garantir la qualité au niveau national des futurs candidats aux postes universitaires (c’est d’ailleurs vrai) ; mais un des effets est également d’exercer un premier pouvoir de sélection au niveau des candidats potentiels.

Le C.N.U. est composé de « sections », qui regroupent les gens par disciplines ; c’est logique, on ne va pas faire statuer un prof de droit sur le dossier d’un physicien nucléaire. Les critères de sélection sont cependant extrêmement variables selon les sections. Certaines vont privilégier le cursus de recherche ; d’autre le cursus administratif, d’autres enfin l’expérience d’enseignement.

Mais une chose est sûre : bien qu’il existe des critères « officiels », à moins de connaître quelqu’un qui fait partie de ces sections, vous êtes rarement mis au courant des critères officieux, qui varient d’ailleurs tous les 4 ans avec le renouvellement des membres des sections.

Autrement dit :

► si vous êtes thésard ou en poste dans une université ou dans un labo dont des personnes siègent au C.N.U., c’est plutôt bien pour vous ;

► si vous êtes assez malin pour mettre dans votre jury de thèse ou d’habilitation un ou plusieurs membres d’une section du C.N.U., vous mettez pas mal de chances de votre côté. En effet, on voit mal des gens qui ont fait partie d’un jury de thèse et vous ont donné votre diplôme se désavouer au moment où siège la commission...

► si vous ne connaissez personne nulle part, votre dossier ferait aussi bien d’être bon !

► si vous travaillez dans le privé, ou à l’étranger, il y a de grandes chances que vous n’ayez jamais entendu parler du processus de qualification. Alors là, vous êtes mal !

Ensuite, le recrutement. En supposant que vous ayez obtenu votre qualification, il va falloir être recruté. Vous ne pouvez être recruté que sur un poste qui a été « ouvert au recrutement » - dans la fonction publique la candidature spontanée n’existe pas. Et là, deux solutions :

► soit il n’y a personne déjà en poste dans le labo où vous postulez, et qui ait envie de l’emploi que vous briguez; dans ce cas, on peut espérer que la sélection se fera sur le « meilleur » dossier ;

► soit il y a un « candidat local », c’est-à-dire un type en poste dans le labo et/ou le département d’enseignement auquel vous postulez, et qui veut lui aussi l’emploi que vous briguez; alors, il faudra être très bon ou que le type en question soit vraiment naze pour vous faire recruter.

Dans tous les cas, tous les arguments peuvent être utilisés pour vous éliminer ».

 

(2) Pour reprendre le titre d’un article de Ghita, paru le 30 octobre 2004 sur le site « recherche-en-danger.apinc.org », article qui mérite d’être cité :

« Petit résumé d’un parcours ? J’ai fait des études scientifiques, BAC + 11, ai un doctorat de 3ème cycle et un doctorat d’état en sciences physiques (1985) d’une excellente université française (Paris XI), ai fait un post-doctorat aux Etats-Unis, travaillé à l’étranger, assuré des responsabilités dans ma carrière de chercheur au CERN, enseigné au niveau universitaire, et je me trouve au chômage depuis près de trois ans. Je suis aussi une femme de quarante neuf ans qui ne baisse habituellement pas les bras devant les problèmes.

Dans ce courrier, Je ne vous présenterai que mes tentatives de trouver un poste dans ma branche en France car raconter mes recherches infructueuses de chercheur senior dans le mode de l’entreprise relèverait de la pure entreprise de démoralisation.

En France, deux possibilités s’ouvraient à moi : le CNRS et l’Enseignement Supérieur.

Pour le CNRS : Ayant un niveau et une expérience de Directeur de Recherche, j’ai essayé d’y postuler. La réponse est : Impossible car trop de jeunes attendent leur promotion et donc les postes sont donnés en interne. Quant à postuler plus bas, je l’ai fait et là aussi mon dossier a été rejeté immédiatement pour cause de limite d’âge.

Pour l’Enseignement Supérieur : c’est là que l’opacité du système atteint son comble. Tous mes ex-collègues installés dans le circuit français m’ont affirmé qu’il manquait des professeurs d’université partout en France, qu’il me suffisait de déposer un dossier de qualification qui était une simple formalité vu mon cursus et que je pourrais ensuite postuler à tout poste ouvert en France. Pour mémoire, deux rapporteurs chargés d’évaluer votre parcours de chercheur et d’enseignant sont nommés pour juger de vos capacités et présenter leurs conclusions au comité de sélection. Celui-ci n’a pas retenu mon dossier. Motif : dossier d’enseignement insuffisant. J’ai usé de mon droit de voir les rapports faits sur moi et les deux rapports concluaient par un avis favorable à ma qualification. Je rappelle aussi que j’ai des doctorats français ! J’ai vérifié par contre que les personnes du CNRS désirant faire de l’enseignement y sont exhortées et que dans ce cas, sans avoir fait le moindre enseignement (ce qui n’est pas mon cas), la qualification leur est octroyée. Je ne vous présente pas les explications embarrassées de mes collègues du type : ils étaient mal « lunés », c’est la faute des syndicats... A quoi tient une vie dans le monde de l’arbitraire : ce refus signifie simplement que je ne peux postuler à aucun poste en France.

Quelques conclusions tirées de mon parcours :

► Le système français est endogène : Il faut obtenir son poste permanent avant son doctorat et surtout ne pas imaginer qu’une expérience extérieure vous sera profitable pour votre carrière.

► Dans la recherche comme dans le monde de l’entreprise, la seule valeur sûre est le réseau de connaissances. Vous pouvez avoir le meilleur dossier qui soit, les meilleures lettres de références qui soient, si vous avez fait vos preuves à l’extérieur du système français, n’espérez pas un seul instant y rentrer si n’avez pas ce petit (grand) plus qui fait franchir les obstacles.

► Les administrations se gargarisent du concept de « discrimination positive » que pour ma part et pour être plus juste je préfèrerais nommer « anti-discrimination active ». Je peux vous garantir que je ne l’ai jamais vu à l’œuvre.

► Le monde de la physique est magnifique et exaltant et il me manque profondément. Quant au monde des institutions de recherche et d’enseignement en France, prière de ne l’aborder que lorsque vous êtes dedans et dans la norme !

► A partir de quarante cinq ans, prière de s’euthanasier. »

Texte second :

C'est le vôtre. On l'attend impatiemment...

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