Gueux :

Histoire et mémoire dun mot

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Définitions

Interprétations

Définitions

Furetière :

Gueus, euse. s. m. et f. Qui demande l’aumône. On a fait un hôpital général pour y renfermer tous les gueus mendiants, les gueus de profession. Ce mot, selon Pasquier, vient de ganeo ; selon Nicod, de l’Allemand geiler, qui signifie mendiant ; et selon Ménage, de quaeftor, ou quaefitor. D’autres disent qu’il vient du mot de heu, le cri des pauvres et des misérables, dont les Italiens ont fait guai et guaioso, mendiant ; d’autres, qu’il vient de egenus, ou eguenus, qui a donné le nom à des Hérétiques, qui ont été appelés Pauvres de Lyon ; d’où est venu aussi le nom de Guenauts, qu’ils étendent au mot de Huguenots, comme qui dirait Eguenauts. Borel le dérive de gueux, qui signifie Cuisinier, parce que les gueus suivent volontiers les cuisines.

Gueus. Se dit aussi hyperboliquement de ceux qui n’ont pas assez de biens de fortune pour soutenir leur naissance et leur qualité, et aussi de tout ce qui marque quelque indigence. Un Prince souverain qui n’a que cent mille livres de rente est un gueus.

Dans l’Histoire, on a appelé Gueus, les premiers Hollandais qui ont commencé à secouer le joug de la monarchie Espagnole, parce que Brederode, et quelques autres Seigneurs se présentèrent en habits gris devant la Duchesse de Parme ; et du nom de Gueus que des Courtisans leur avaient donné par raillerie, ils se firent un nom d’honneur, et après un grand repas signèrent leur union, sur laquelle ils firent frapper des médailles où on voyait une besace soutenue de deux mains entrelacées, avec ce mot, fidèles jusqu’à la besace.

On dit proverbialement, qu’un homme est gueus comme un rat d’Église, gueus comme un Peintre, pour dire qu’il est fort pauvre ; que c’est un gueus revêtu, quand de pauvre qu’il était il est devenu riche. On appelle aussi un gueus fieffé, un gueus qui s’attache à quelque endroit certain, à quel coin d’Église pour y attendre l’aumône ; et gueus de l’ostière, celui qui va par les rues, et qui gueuse de porte en porte, qui vadit ad ostia.

Antoine Furetière, Dictionnaire universel, contenant tous les mots français, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, [1690], Paris, S.N.L. / Le Robert, 1978, T. II.

Prévost :

Gueux : Pauvres mandians. Ce nom devint, au seizième siécle, celui des Huguenots en Flandres, à l’occasion d’un discours peu mesuré de Marguerite de Parme, Gouvernante des Pays-Bas, qui avoit dit, en parlant des Seigneurs Calvinistes, que c’étoient des Gueux qu’elle ne redoutoit pas. Ils affecterent eux-mêmes de prendre le nom de Gueux, & de se faire un ornement de la besace & de l’écuelle de bois.

Antoine François Prévost d’Exiles, Manuel lexique, ou Dictionnaire portatif des mots françois dont la signification n’est pas familière à tout le monde, Paris, Didot, 1750, p. 343.

Ménage :

Gueux : Il faut qu’il soit ou de l’ancienne Langue Celtique, ou de la Tioise. Nos anciens François prononçoient veus. Une partie du roman de Guillaume au court nez est intitulée Le Pauvre Veu. C’est le Roman d’un Prince François, qui aïant été enlevé par les Sarrasins en son enfance, & nourri parmi eux, & s’étant depuis rendu Chrétien, se trouva pauvre & dénué de toute sorte de biens : ce que le Roman fait assez connoître par ce vers :

Parce qu’il fu [sic] sans terre, et nom le Pauvre Veux. Caseneuve.

Gueux. Mendiant. Il y a diversité d’opinions touchant l’origine de ce mot. M. de Caseneuve le dérive de veux, qu’il dit être un mot Celtique, de même signification. Voyez sa remarque. Nicot le dérive de l’Alleman geiler, qu’il dit signifier un mandiant. Pasquier viii. 42. le dérive de ganeo. Voici les termes : Le Gueux de l’hosteliere, est un autre mot, aussi transplanté du Latin en nostre vulgaire : je veux dire de ganeo hostiarius ; c’est-à-dire un caimant qui va fleureter les huis des maisons. M. du Cange croit qu’il vient de manganus, que Papias interpréte par seducter. Toutes ces étymologies ne me reviennent point. Les Allemans disent goesen, pour dire gueuser. Et ce mot François peut avoir été formé de ce mot Alleman.

Il me reste à remarquer, qu’on a appellé de ce nom les Protestans de Flandres. (a) Voyez Strada. M.

Gueux. Pour queux, coquus. Dans les Etats de la Maison du Roi, grand queux, magnus coquus. De coquus on a fait coquinus, coquin, synonime de gueux. Huet.

Gueux. Je crois que M. de Caseneuve a raison lorsqu’il dit que ce mot vient de l’ancienne langue Celtique, ou de la Tioise. Gwas, en Gallois, signifie un serviteur, & signifioit anciennement un homme, & même un vaillant homme ; mais ensuite ce terme, comme il est arrivé à beaucoup d’autres, a été pris en mauvaise part chez les Flamans & les François pour signifier sous le nom de gueux, un mandiant, un misérable, un homme vil & méprisable.

Gilles Ménage, Dictionnaire étymologique de la langue françoise, Paris, Briasson, 1750, p. 718.

Trévoux :

-T. IV, p. 673, col. a :

Gueusaille. s. f. Canaille, troupe de gueux. Egenorum, mendicantium turba. Toute la gueusaille de la ville s’est assemblée. On dit aussi, il n’y a que de la gueusaille en cette famille ; pour dire, toute la parente est gueuse.

Gueusailler. v. n. Faire métier de gueuser. Mendicare. Il aime mieux gueusailler, que de gagner sa vie en travaillant. Guesaille et gueusailler sont du style familier et populaire.

Gueusant, ante. adj. Qui gueuse. Mendicans. C’est un gueux gueusant, un fainéant qui fait profession de gueuser. Il ne se dit que dans cette phrase.

Gueuser. v. n. Mendier, demander l’aumône. Mendicare, victum, quaeritare, alienâ quadrâ vivere. On dit à l’actif Gueuser son pain. Ce mot n’est admis que dans le discours familier.

-col. b :

Gueuser. Se dit aussi au figuré, pour demander bassement.

Pour moi, je ne vois rien de plus sot à mon sens,

Qu’un auteur qui par-tout va gueuser de l’encens.

Mol.

Gueuserie. s. f. Indigence, misère, pauvreté, mendicité. Pauperies, paupertas, egeftas, mendicitas. Il n’y a que de la gueserie en son fait. Ce n’est que gueserie dans cette maison. Pausanias regardant la magnificence des Perses après la bataille de Platée : à quoi songeaient ces gens-là dans leur opulence, dit-il, de venir attaquer notre gueserie ? Abl. Les loteries qu’on voit multiplier de jour en jour, sont pour le siècle une marque sûre de gueserie. Mén. Les riches doivent s’occuper à soulager les pauvres, et non pas s’amuser à les contrefaire par une gueserie affectée. Bouh.

Gueuserie. Se dit au figuré d’une chose de peu de valeur. Ce curieux a beaucoup de tableaux, mais ce n’est que de la gueserie. Dans l’une et l’autre acceptation, il n’est que du style familier.

Gueux, euse. adj. Qui est réduit à mendier, à demander l’aumône. Mendicus, planus. Ces gens-là sont si gueux, qu’ils n’ont pas de pain. Cette famille est gueuse. Pourquoi choisir un gendre gueux ? Mol. On dit que les gueux maudissent ceux qui leur souhaitent du bien, c’est-à-dire, ceux qui leur disent, Dieu vous assiste. Ménage.

Ce mot, selon Pasquier, vient de ganeo ; selon Nicod, de l’Allemand geiler, qui signifie mendiant ; et selon Ménage, de quaeftor, ou quaefitor. D’autres disent qu’il vient du mot heu, le cri des pauvres et des misérables, dont les Italiens ont fait guai et guaioso, mendiant ; d’autres qu’il vient de egenus, ou eguenus, qui a donné le nom à des Hérétiques, qui ont été appelés Pauvres de Lyon ; d’où est venu aussi le nom de Guenauts, qu’ils étendent au mot de Huguenots, comme qui dirait Eguenauts. Borel le dérive de queux, qui signifie cuisinier, parce que les gueux suivent volontiers les cuisines. On a dit queux pour dire cuisinier, et le grand Queux est un des Officiers de la Couronne, du Latin cocus.

Gueux. Se dit aussi hyperboliquement de ceux qui n’ont pas assez de biens de fortune pour soutenir leur naissance et leur qualité, et aussi de tout ce qui marque quelque indigence. Un Prince souverain qui n’a que cent mille livres de rente est gueux. Un avare est toujours gueux : il a également besoin de ce qu’il a, et de ce qu’il n’a pas. Voit. Tout le bien de ce Marquis est saisi, son train est fort gueux. Dans toute cette Province, les fermiers sont gueux, ne paient point leurs maîtres. M. de Bautru disait : Il est aussi difficile de passer pour honnête-homme dès qu’on est gueux, qu’il est aisé de l’être lorsqu’on est riche. Mén. On dit d’un homme qui est fort peu aisé pour un homme de condition, qu’il est gueux pour un homme comme lui. On dit aussi dans une pareille acception, mener une vie fort gueuse. Avoir un équipage fort gueux.

Malgré ses titres pompeux

Et de ses qualités l’assortiment heureux,

Il n’avait pourtant pas la plus essentielle,

C’était un grand Seigneur fort gueux.

Mlle L’Héritier.

-p. 674, col. a :

On dit aussi, en parlant d’Architecture, qu’une corniche est gueuse, pour dire, qu’elle est trop dénuée d’ornements.

Dans l’Histoire, on a appelé Gueux les premiers Hollandais qui ont commencé à secouer le joug de la monarchie Espagnole, parce que Bréderode, et quelques autres Seigneurs se présentèrent en habits gris devant la Duchesse de Parme ; et du nom de Gueux que des courtisans leur avaient donné par raillerie, ils se firent un nom d’honneur, et après un grand repas signèrent leur union, sur laquelle ils firent frapper des médailles, où l’on voyait une besace soutenue de deux mains entrelacées, avec ce mot, fidèles jusqu’à la besace. Larrey dit que l’inscription fut Serviteurs du Roi jusqu’à la besace ; mais il se trompe. Voyez l’Histoire de Strada, et la Hollande métallique de l’Abbé Bizot, etc.

Gueux, euse. Est aussi un s. m. et f. qui signifie Mendiant, qui demande l’aumône. C’est un gueux guesant. Il mène une vie de gueux. On a fait un hôpital général pour y renfermer tous les gueux mendiants, les gueux de profession. On dit que ces sortes de gueux font une espèce de République, qu’ils ont un Roi, qu’ils appellent le grand Couaire ; et qu’ils tiennent des assemblées, qui sont comme leurs états, où ils règlent tout ce qui regarde leur République. Ils ont un langage particulier, qu’ils appellent l’argot. On en a fait un Dictionnaire. Les mots de ce jargon n’étant, ni de l’usage ordinaire, ni propres d’aucun Art, ou d’aucune science, ne se trouvent pas ici. On dit d’une femme de mauvaise vie, que c’est une gueuse. Ac. Fr.

On dit proverbialement, qu’un homme est gueux comme un rat d’Église, gueux comme un Peintre, pour dire qu’il est fort pauvre ; que c’est un gueux revêtu, quand de pauvre qu’il était il est devenu riche. C’est un gueux revêtu des dépouilles d’Horace. Boil. On appelle aussi un gueux fieffé, un gueux qui s’attache à quelque endroit certain, à quel coin d’Église pour y attendre l’aumône ; et gueux de l’ostière, celui qui va par les rues, et qui gueuse de porte en porte, qui vadit ad ostia.

On appelait autrefois Gueux de l’ostière, un gueux qui va fleureter les huis des maisons, dit Pasquier, Rech. L.VIII, C. 42, et ce mot venait du Latin Ganeo ostiarius.

Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, Paris, Vve Delaune/Vve Ganeau, 1743, 6 vol. ; Compagnie des libraires associés, 1771, 8 vol.

Académie :

Gueux, euse. adj. Indigent, nécessiteux, qui est réduit à mendier. (Ces gens-là sont si gueux, qu’ils n’ont point de pain. C’est une famille fort gueuse). Il est familier.

On dit aussi qu’Un avare est toujours gueux, pour dire, qu’Il se refuse le nécessaire.

On dit d’Un homme de condition, qu’il est peu accommodé des biens de la fortune, qu’(Il est gueux pour un homme comme lui).

On dit aussi dans une pareille acception, (Mener une vie fort gueuse. Avoir un équipage fort gueux).

On dit aussi, en parlant d’Architecture, qu’Une corniche est gueuse, pour dire, qu’Elle est trop dénuée d’ornements.

On dit proverbialement d’Un homme qui est très incommodé dans ses affaires, et qui n’a nul bien, qu’(Il est gueux comme un Peintre, qu’il est gueux comme un rat d’Église).

Il est aussi substantif, et se dit d’Un homme ou d’une femme qui demande l’aumône, qui fait le métier de quémander. (Vieux gueux. Vieille gueuse. C’est un vrai gueux, un gueux fieffé, un gueux de profession. Mener une vie de gueux).

On dit d’Un homme de néant qui a fait fortune, et qui est devenu insolent, que (C’est un gueux revêtu).

On dit d’une femme de mauvaise vie, que (C’est une gueuse). Gueux, pris substantivement, signifie aussi quelquefois Coquin, fripon. Ne vous fiez pas à cet homme-là, c’est un gueux.

Dictionnaire de l’Académie française, Lyon, chez Benoît Duplain père et Joseph Duplain fils, 1772, T. I, p. 598.

Laveaux :

Gueux, Misérable :

Locut. vic.  Il a agi comme un gueux, comme un misérable.

Locut. corr.  Il a agi comme un vaurien.

« Au sens propre, ces adjectifs se disent d’un homme très-pauvre ; au sens figuré d’un scélérat. Il paraît que cette extension est de la langue des riches, et non pas de celle de l’humanité. Chez les anciens, res sacra erat miser. Chez nous, pour marquer qu’un homme est à fuir, on dit qu’il est malheureux. » (Ch. Nodier.) Nous ferons remarquer, après ce blâme sévère et mérité de l’acception plus qu’inconvenante donnée par certaines gens aux mots gueux et misérable, qu’il ne faut jamais les employer que dans le sens de pauvre, lequel est certainement le seul qu’ait eu un vue notre immortel Béranger dans sa jolie chanson des Gueux. N’est-ce pas en effet assez de laisser tomber son dédain sur les malheureux, sans leur jeter encore des injures ? Honneur au grammairien philosophe qui a si bien flétri deux mauvaises expressions que repoussent également et la langue et la morale.

Laveaux, Dictionnaire critique et raisonné du langage vicieux ou réputé vicieux : ouvrage pouvant servir de complément au “Dictionnaire des difficultés de la langue française”, Paris, A. André, 1835, p. 187.

Delvau :

Gueuse : Femme de mœurs beaucoup trop légères, qui n’est pas la femelle du gueux, – au contraire.

Quand d’un aire tout de franchise

Une gueuse m’aborda.                            Piron

Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne, par un professeur de langue verte, Bâle, impr. de Karl Schmidt, [1850], p. 218.

Larchey :

Gueusard : Petit gueux, amicalement parlant. – « Appelle-moi gueusard, scélérat, lui dis-je. » Amours de Mathieu, chanson, 1832. – « Et vous flânez souvent, gueusard » – E. Sue. – Pris aussi en mauvaise part: « Les gueusards ! ils n’ont pas seulement le courage de faire leurs mauvais coups. » – E. Sue.

Gueux: « Que j’en ai gagné de c’te gueuse d’argent ! » – H. Monnier. – Pris en bonne part.

Gueux : « Les dames des halles se servent toutes de chaufferettes et de ces horribles petits pots en grès qu’on nomme des gueux. Elles les posent sur leurs genoux pour se réchauffer les doigts. » – P. d Anglemont.

Lorédan Larchey, Les Excentricités du langage, Paris, E. Dentu, 1865.

Le Littré :

Gueusaille, s. f. : Terme populaire et collectif. Troupe de gueux. Cette gueusaille à ma barbe fera gogaille, Scarr. Virg. I.

Gueusailler, v. n. : Terme populaire. Faire métier de gueuser.

Gueusant, ante, s. f. : Qui gueuse. Des troupes gueusantes de fainéants. Les biens de l’esprit doivent être communs entre tous les frères gueusants, Lesage, Guzm. d’Alfar. II, 3.

C’est un gueux gueusant, une gueuse gueusante, locution vieillie et qui signifie un gueux, une gueuse qui mendie actuellement.

Gueusard, s. m. : Terme familier. Gueux renforcé.

Fig. et populairement. Gueusard de sort ! sort qui nous trompe comme un gueusard.

Le féminin est usité aussi. C’est une gueusarde.

Gueusé, ée, part. passé de gueuser. : Quelque argent gueusé de porte en porte par un faux pauvre.

Gueuser, v. n. : Faire métier de demander l’aumône. Puis les gueux en gueusant trouvent maintes délices, Un repos qui s’égaye en quelque oisiveté, RÉGNIER, Sat. II. On a fait un hôpital général, où l’on a renfermé tout ce que l’on a pu attraper de ces pauvres gueusant au bout des deux faubourgs de Saint-Marceau et de Saint-Victor, GUI PATIN, Lettres, t. II, p. 325. Et moi qui l’ai reçu gueusant et n’ayant rien, MOL. Tart. V, 1. Quoiqu’ils demeurent tous d’accord qu’il faut demander la charité pour subsister, leur manière de gueuser étant différente, il est nécessaire que chaque société s’en tienne à ses règlements, LE SAGE, Guzm. d’Alf. III, 3.

Activement. Gueuser son pain. Aller gueuser pension en secret, BACHAUMONT, Mém. secrets, t. XXXV, p. 198.

Fig. Pour moi, je ne vois rien de plus sot à mon sens, Qu’un auteur qui partout va gueuser des encens, MOL. F. sav. III, 5. [Paris est, après les combats de juillet 1830] Un taudis regorgeant de faquins sans courage, D’effrontés coureurs de salons, Qui vont de porte en porte et d’étage en étage Gueusant quelques bouts de galons, BARBIER, Iambes, Curée.

Gueuserie, s. f. : 1° Condition de gueux, de personne sans bien, sans avoir. Poli, galant, qui fait les choses comme il faut, Et dont la gueuserie est l’unique défaut, TH. CORN. Comtesse d’Orgueil, I, I. Je viens d’apprendre que ta gueuserie rebute tous les partis qui se présentent pour notre fille, BRUEYS, Avocat Pat. I, 3. Quel est donc ce brigand qui, là-bas, nez au vent, Se carre, l’oeil au guet et la hanche en avant, Plus délabré que Job et plus fier que Bragance ; Drapant sa gueuserie avec son arrogance ? V. HUGO, Ruy Blas, I, 2.

2° Mendicité. La gueuserie en ce pays-là est d’une grande ressource pour les gens d’esprit mal aisés qui veulent sacrifier à la paresse, LESAGE, Guzm. d’Alfar. III, 2. Tout pays où la gueuserie, la mendicité est une profession, est mal gouverné ; la gueuserie, ai-je dit autrefois, est une vermine qui s’attache à l’opulence ; oui, mais il faut la secouer, VOLT. Dict. phil. Gueux.

3° Fig. Une chose vie, de peu de prix. Il n’a acheté que de la gueuserie. Et la fête de Pan parmi nous si chérie Auprès de ce spectacle est une gueuserie, MOL. Mélicerte, I, 3.

4° Confédération des gueux, dans les Pays-Bas, au XVIe siècle.

Gueux, euse, adj. : 1° Qui est necessiteux, réduit à mendier (ce qui se dit avec un sens de dédain plutôt que de pitié). Figurez-vous l’orgueilleux Diogène qui foulait aux pieds l’orgueil de Platon, les presbytériens d’Écosse ne ressemblent pas mal à ce fier et gueux raisonneur, VOLT. Dict. phil. Presbytériens.

Familièrement. être gueux comme un rat, comme un rat d’église, comme un peintre, c’est-à-dire être fort pauvre. Chartier [l’éditeur d’Hippocrate et de Galien] est plus gueux qu’un pauvre peintre. dix mille écus ne payeront pas ses dettes, GUI PATIN, Lett. t. II, p. 85. Tous ces blondins sont agréables.... la plupart sont gueux comme des rats, MOL. l’Av. III, 8.

2° Qui n’a pas de quoi vivre selon son état ou ses désirs. Mais il aime sa fille et voudra s’informer ; S’il apprend qu’il est gueux ? HAUTER. Bourg. de qual. IV, 5. Il est gueux, archigueux, TH. CORN. Comt. d’Orgueil, II, 1. Choisir un gendre gueux... ? - Taisez-vous, s’il n’a rien, Sachez que c’est par là qu’il faut qu’on le révère, MOL. Tart. II, 2. Quoique ses parents ne soient point gueux, SÉV. 148. [Ces fous] Qui, toujours assignant et toujours assignés, Souvent demeurent gueux de vingt procès gagnés, BOILEAU Épît. II. Riche, gueux, triste ou gai, je veux faire des vers, ID. Sat. VII. C’est un duc assez malhonnête homme et fort gueux, MAINTENON, Lett. à l’abbé Gobelin, 14 juillet 1669. Il s’offre deux partis, vous les chassez tous deux : Le premier est trop riche et le second trop gueux, REGNARD, Distrait, I, 1. Grâce à moi [muse] qu’il rendit moins folle, D’être gueux il se consolait, BÉRANG. Épitaphe.

Le Dictionnaire de la langue française, par Émile Littré, version informatisée Redon, à partir de l'éd. de 1872.

Le Robert :

Gueux, gueuse :  ▪ 1452 ; moy. néerl. guit « fripon, fourbe »

1• Vx  Personne qui vit d’aumônes, est réduite à mendier pour vivre.  → clochard, mendiant, miséreux, vagabond, va-nu-pieds. Mener une vie de gueux. « La Chanson des gueux », de J. Richepin.

◊ Par ext.  → pauvre. L’avare « vit en gueux » (La Fontaine).

2• Vx  → coquin, fripon.

◊ N. f. (1655)  Femme de mauvaise vie.  → catin, prostituée, ribaude. —  Loc. Vieilli Courir la gueuse : se débaucher.

Le Nouveau petit Robert, version électronique, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1996.

Interprétations

Encyclopédie :

GUEUX, (LES) : Hist. mod. sobriquet qui fut donné aux confédérés des Pays-Bas en 1566 ; la duchesse de Parme ayant reçû l’ordre de Philippe II. roi d’Espagne d’introduire dans les Pays-Bas de nouvelles taxes, le concile de Trente & l’inquisition, les états de Brabant s’y opposerent vivement, & plusieurs seigneurs du pays se liguerent ensemble pour la conservation de leurs droits & de leurs franchises ; alors le comte de Barlemont, qui haïssoit ceux qui étoient entrés dans cette confédération, dit à la duchesse de Parme, gouvernante, qu’il ne falloit pas s’en mettre en peine, & que ce n’étoit que des gueux. Le prince d’orange, Guillaume de Nassau, surnommé le taciturne, & Bréderode, chefs de ces prétendus gueux, furent effectivement chassés d’Anvers l’année suivante ; mais ils équiperent des vaisseaux, firent des courses sur la côte, se rendirent maîtres d’Enckhuysen, puis de la Brille, & s’y établirent en 1572 malgré tous les efforts du duc d’Albe. Tel fut le commencement de la république de Hollande, qui d’un pays stérile & méprisé, devint une puissance respectable. (D. J.)

Chevalier Louis de Jaucourt, Encyclopédie, ou Dictionnaire des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres. Mis en ordre par M. Diderot, de l'Académie Royale des Sciences et des Belles-Lettres de Prusse ; et quant à la partie mathématique, par M. D'Alembert, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, de celle de Prusse, et de la Société Royale de Londres, Paris, Briasson, David, Le Breton, Durand / Neufchâtel, Samuel Faulche et Cie, 1757, T. VII, p. 999, col. b.

Voltaire :

Gueux, Mendiant

Tout pays où la gueuserie, la mendicité est une profession, est mal gouverné. La gueuserie, ai-je dit autrefois, est une vermine qui s’attache à l’opulence; oui, mais il faut la secouer. Il faut que l’opulence fasse travailler la pauvreté; que les hôpitaux soient pour les maladies et la vieillesse, les ateliers pour la jeunesse saine et vigoureuse.

Voici un extrait d’un sermon qu’un prédicateur fit, il y a dix ans, pour la paroisse de Saint-Leu et Saint-Gilles, qui est la paroisse des gueux et des convulsionnaires :

« Pauperes evangelisantur (saint Matth., chap. xi, 5), les pauvres sont évangélisés.

« Que veut dire évangile, gueux, mes chers frères ? il signifie bonne nouvelle. C’est donc une bonne nouvelle que je viens vous apprendre; et quelle est-elle ? c’est que si vous êtes des fainéants, vous mourrez sur un fumier. Sachez qu’il y eut autrefois des rois fainéants, du moins on le dit; et ils finirent par n’avoir pas un asile. Si vous travaillez, vous serez aussi heureux que les autres hommes.

« Messieurs les prédicateurs de Saint-Eustache et de Saint-Roch peuvent prêcher aux riches de fort beaux sermons en style fleuri, qui procurent aux auditeurs une digestion aisée dans un doux assoupissement, et mille écus à l’orateur: mais je parle à des gens que la faim éveille. Travaillez pour manger vous dis-je; car l’Écriture a dit : « Qui ne travaille pas ne mérite pas de manger. » Notre confrère Job, qui fut quelque temps dans votre état, dit que l’homme est né pour le travail comme l’oiseau pour voler. Voyez cette ville immense, tout le monde est occupé: les juges se lèvent à quatre heures du matin pour vous rendre justice et pour vous envoyer aux galères, si votre fainéantise vous porte à voler maladroitement.

« Le roi travaille; il assiste tous les jours à ses conseils ; il a fait des campagnes. Vous me direz qu’il n’en est pas plus riche: d’accord, mais ce n’est pas sa faute. Les financiers savent mieux que vous et moi qu’il n’entre pas dans ses coffres la moitié de son revenu; il a été obligé de vendre sa vaisselle pour nous défendre contre nos ennemis: nous devons l’aider à notre tour. L’Ami des hommes ne lui accorde que soixante et quinze millions par an: un autre ami lui en donne tous d’un coup sept cent quarante. Mais de tous ces amis de Job, il n’y en a pas un qui lui avance un écu. Il faut qu’on invente mille moyens ingénieux pour prendre dans nos poches cet écu qui n’arrive dans la sienne que diminué de moitié.

« Travaillez donc, mes chers frères; agissez pour vous, car je vous avertis que si vous n’avez pas soin de vous-mêmes, personne n’en aura soin; on vous traitera comme dans plusieurs graves remontrances on a traité le roi. On vous dira : « Dieu vous assiste ! »

« Nous irons dans nos provinces, répondez-vous; nous serons nourris par les seigneurs des terres, par les fermiers, par les curés. » Ne vous attendez pas, mes frères, à manger à leur table; ils ont, pour la plupart, assez de peine à se nourrir eux-mêmes, malgré la Méthode de s’enrichir promptement par l’agriculture, et cent ouvrages de cette espèce qu’on imprime tous les jours à Paris pour l’usage de la campagne, que les auteurs n’ont jamais cultivée.

« Je vois parmi vous des jeunes gens qui ont quelque esprit; ils disent qu’ils feront des vers, qu’ils composeront des brochures, comme Chiniac, Nonotte, Patouillet ; qu’ils travailleront pour les Nouvelles ecclésiastiques; qu’ils feront des feuilles pour Fréron, des oraisons funèbres pour des évêques, des chansons pour l’Opéra-Comique. C’est du moins une occupation; on ne vole pas sur le grand chemin quand on fait l’Année littéraire, on ne vole que ses créanciers. Mais faites mieux, mes chers frères en Jésus-Christ, mes chers gueux, qui risquez les galères en passant votre vie à mendier; entrez dans l’un des quatre ordres mendiants, vous serez riches et honorés. »

Voltaire, article « Gueux, mendiant », Questions sur l’Encyclopédie, 1771, dans Dictionnaire philosophique, Œuvres complètes de Voltaire mises en ligne par l’Association « Voltaire intégral ». (Texte original daté de 1764)

D’Holbach :

Apôtres : Ce sont douze gredins fort ignorans, & gueux comme des rats d’Eglise, qui composoient la cour du fils de Dieu sur la terre, & qu’il chargea du soin d’instruire tout l’Univers. Leurs Successeurs ont fait depuis une fortune assez brillante, à l’aide de la Théologie, que leurs devanciers, les Apôtres, n’avoient point étudié. D’ailleurs le Clergé, comme la Noblesse est fait pour acquérir plus de lustre à mesure qu’il s’éloigne de sa premiere origine, ou qu’il ressemble moins à ses devanciers.

Paul Henri Dietrich d’Holbach (auteur présumé), Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne, Londres, s.n., 1768, p 52.

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