Texte Fondateur

de la nouvelle gueuserie de France

  

Nous publions sur cette page notre point de vue sur l’absence de considération des autorités vis-à-vis des diplômés de troisième cycle universitaire en France, notamment des diplômés en Lettres et Sciences Humaines.

Un simple tour d’horizon des statuts du titulaire d’un doctorat dans les pays étrangers suffit à comprendre que la France, dans ce domaine également, est loin de respecter ses concitoyens.

Comme vous, nous n’acceptons pas qu’un docteur universitaire n’ait accès à aucun emploi, fût-il modeste, sans passer par d’interminables concours d’un autre âge assortis à des systèmes de filtrages plus que contestables.

À propos des

Enseignants-Chercheurs Chômeurs et Précaires (*) 

 Depuis quelque temps, les héritiers des Lumières quittent leur tour de silence pour réfléchir aux processus de marginalisation endurés par des milliers d’enseignants-chercheurs chômeurs et précaires, qui subissent de plein fouet le durcissement et le délitement de la société. Leur bilan n’est pas brillant : la France investit moins dans l’enseignement supérieur que la plupart des pays riches (1,1 % du P.I.B., contre 2,7 % aux États-Unis), elle dépense 25 % de moins par étudiant que l’Allemagne ou le Japon, deux fois moins que la Suède ou les États-Unis ; le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter (+ 5000 par an ces dernières années) et leur niveau, quoiqu’on prétende, de baisser ; 80 % d’entre eux travaillent sous diverses formes ; les lettres et sciences humaines ont mauvaise réputation et voient leurs effectifs se raréfier ; les universitaires croulent sous le travail et souffrent du « syndrome d’Atlas » ; les postes qui auraient dû s’ouvrir à une génération bien formée sont supprimés, verrouillés ou réservés… Ainsi, des titulaires d’une thèse de doctorat remarquée, parfois d’une Habilitation à Diriger des Recherches, parmi lesquels certains ont enseigné des années au sein de facultés françaises et étrangères, organisé des colloques, signé plusieurs livres et éditions critiques, des dizaines d’articles dans des revues scientifiques nationales et internationales renommées… finissent par s’expatrier ou se réorienter. À défaut, ces surdiplômés – mini-minorité invisible peu médiatisée –, entraînés dans le maelström vertigineux d’une mobilité généralisée, s’enlisent dans l’intérim et le travail au noir. Contre eux, comme contre tant d’autres, l’État a multiplié les guerres et les désertions, fort de son bras armé : l’A.N.P.E.

Alors que de tels enseignants-chercheurs ont amplement et durablement œuvré dans la profession sans y être titularisés, d’autres voient leur condition cimentée par une administration interdisant aux chômeurs, précaires et bénéficiaires du R.M.I. toute vacation et, par conséquent, tout poste temporaire, donc tout accès à l’université. En effet, le décret n° 87-889 du 29 octobre 1987 réserve l’exclusivité des heures supplémentaires dans l’enseignement supérieur, ou vacations, à ceux qui n’en ont souvent ni la nécessité (universitaires en poste, chefs d’entreprises, préretraités, retraités…), ni parfois la qualité (tout titulaire d’une Licence travaillant à plein temps, issu du public ou du privé, peut professer…). Qui pourrait imaginer des docteurs en médecine, en droit ou en économie ainsi frappés d’ostracisme ? Curieusement, la « crise des universités françaises » est diagnostiquée, de temps à autre, sous le signe du déficit d’enseignants-chercheurs qualifiés ! En nos périodes d’espoirs électoraux, trouverait-elle une issue avec l’U.D.F., dont « la priorité absolue » serait l’éducation ? Avec le P.S., qui envisage un « minimum » de « 3 % du P.I.B., tout effort de recherche confondu, public et privé » ? Avec l’offre de l’U.M.P. « d’augmenter le budget de l’enseignement supérieur de 50 % en cinq ans et l’effort de recherche de 40 % » ? Ou encore avec le départ prochain des « papy boomers » ?

Ne se payant ni de mots ni de chiffres, nos chômeurs et précaires savent qu’ils se heurteront toujours au principe de « reproduction des élites », aux sésames des grandes écoles et de l’agrégation, à d’autres instances si peu républicaines mais tellement intouchables (comme le C.N.U.). Chapelles, féodalités, sérails, privilèges… Dans ce petit monde scellé – où l’égalité et l’équité n’ont jamais autant été violées depuis l’Ancien Régime –, des questions s’imposent. Quelle autre communauté que celle des enseignants-chercheurs français en Lettres et Sciences Humaines laisserait ruiner le présent et l’avenir de milliers de ses participants, aux parcours moins fléchés et fortunés, sans que le corps entier ne réagisse, proteste, manifeste ? Est-il utile de préciser que cette communauté, constituée par et pour les concours, n’est pas formée par des objets de recherche ou d’enseignement mais selon les normes du fonctionnariat ? Et donc presque exemptée – à vie d’une véritable « obligation de résultat » ? N’assiste-t-on pas, en lettres et sciences humaines particulièrement, à la montée d’une nouvelle institution du mépris ?

Dans le sillage de ces constats, pour dénoncer l’aggravation des conditions de vie de tant d’oubliés et solliciter leur intégration dans l’éducation nationale, ou au moins leur ouvrir un accès officiel à diverses fonctions scientifiques ou culturelles, un collectif s’est formé.

Ce collectif demande la création et la mise en place d’une véritable politique post-doctorale, et revendique à cet effet :

1. Une réelle prise en compte intellectuelle, sociale et professionnelle des diplômes de troisième cycle, notamment en lettres et sciences humaines. (Depuis trop longtemps, ne sont considérées que la Licence conduisant au C.A.P.E.S. et la Maîtrise menant à l’agrégation.)

2. L’intégration des enseignants-chercheurs chômeurs et précaires ayant fait leurs preuves dans les universités, les I.U.T., les classes préparatoires et les centres de recherches. Cette titularisation – d’office ou sur dossier – peut être rendue possible par la transformation en postes permanents des millions d’heures supplémentaires annuellement effectuées par des personnels n’ayant pas un besoin vital de ces compléments de service, ou n’étant pas toujours qualifiés pour les assurer.

3. L’abrogation du décret n° 87-889 du 29 octobre 1987, et son remplacement par un décret inverse réservant prioritairement les postes temporaires aux chômeurs et précaires.

Par ailleurs, le collectif propose l’ouverture d’une réflexion élargie et approfondie sur le statut et l’avenir des enseignants-chercheurs en lettres et sciences humaines.

Une information et une adhésion de soutien sont disponibles sur le site :

http://gueux.universitaires.free.fr

 

Le xiie Congrès de la Société Internationale d’Étude du Dix-Huitième siècle se tiendra du 8 au 15 juillet 2007 à Montpellier. Malgré le budget requis pour participer à une telle manifestation, les laissés-pour-compte de toutes disciplines ont l’intention d’y être représentés. Le collectif souhaite ainsi sensibiliser les intervenants (particulièrement les congressistes étrangers), mais aussi les partis politiques et, plus largement, l’opinion publique, à des injustices que n’auraient pas éludées les Lumières.

(*) Texte paru dans le Bulletin de la Société Française d’Étude du Dix-huitième Siècle, avril 2007, n° 64, pp. 26-28. (Pour des raisons qui nous échappent, ce Bulletin ne fut quasiment pas distribué aux adhérents par l’imprimeur)

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