Vos

Témoignages Idées

ou 

vos Galères & vos Illusions perdues

  

Cette page vous est ouverte. Ce n'est pas comme la porte des universités.

Croyez-nous, vous auriez tort de ne pas en profiter. Surtout que ça vous fera une publication de plus à ajouter à votre dossier de candidature pour le C.N.U. 

  

Témoignage 01 : 07 05 2008

Témoignage 02 : 12 11 2008

Témoignage 03 : avenir

Reçu le 07 05 2008 :

Salut à tous, et merci pour cette bouffée d’oxygène !

Vous avez raison, mieux vaut le prendre avec humour. Mais ne perdez pas de vue que les comportements sociaux, en particulier ceux de nos élites, méritent d’être envisagés pour ce qu’ils donneraient en temps de guerre...

C’est un sociologue sur le carreau, un de plus, qui vous le rappelle. 

François ( jai pas fait exprès. Lol! ), de Bordeaux

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Reçu le 12 11 2008 :

Bonjour,

J’ai découvert par hasard votre site et je dois vous avouer que, d’une certaine façon, cela me rassure de ne pas être seul à lutter contre cet “acharnement du sort”. De telles initiatives devraient se multiplier afin de déculpabiliser, en premier lieu, ceux qui se trouvent dans une situation d’incompréhension face au système de recrutement des universitaires. Je vous livre mon témoignage et mon expérience pour que vous puissiez enrichir votre rubrique établie à cet effet.

 J’ai suivi un parcours parfaitement honorable, avec des mentions et tout ce qui est requis pour être considéré comme un bon étudiant : aucun redoublement et aucun passage en seconde session. Seulement, l’année du DEA, j’ai connu de graves problèmes familiaux qui ont presque failli me mener à la rue ; je n’avais plus aucune ressource. Par voie de conséquence, un malheur n’arrivant jamais seul, j’ai vu mes notes dégringoler mais, malgré tout, je me suis accroché jusqu’à la fin de l’année. J’ai rendu le mémoire en bonne et due forme et mon classement n’était pas si mauvais au regard de tous les ennuis que j’ai rencontrés cette année. Je n’ai pas pu obtenir d’allocation de recherche, même si les premiers ont refusé les leurs, car des chacals rôdaient autour. Ceux qui les ont récupérées n’avaient pas de mention, mais avaient l’avantage de connaître le directeur du DEA et d’autres enseignants car ils suivaient déjà un cursus de magistère depuis plusieurs années.

 Je me suis malgré tout inscrit en thèse sans un sou en poche. J’ai enchaîné les petits boulots mal payés pour subvenir à mes besoins. Après plusieurs années de sacrifices, de privations, de dévouement, de découragement et de désespoir, j’ai enfin soutenu cette thèse. Je ne garde pas un souvenir très joyeux de ce moment, il y a même une certaine déception car je n’étais pas bien préparé à me faire “descendre” comme cela s’est passé, mais malgré tout je m’en suis sorti avec la mention “très honorable” assortie des félicitations du jury. Je pensais être arrivé au bout de ce long tunnel, mais en fait, la chute allait commencer. Déjà, au moment du pot, je ressentais une certaine déception, que l’on voit d’ailleurs facilement sur les photos ; je n’y ressemble pas à quelqu’un qui vient de remporter le grand sésame. Intuition ou pas, ce sentiment s’est confirmé par la suite. Je me sentais d’un seul coup abandonné, je ne savais pas comment m’y prendre pour faire ce que je voulais faire dans la vie : la recherche. N’ayant pas été allocataire, et avec tout le découragement que j’ai accumulé durant cette période, j’avais une certaine honte, voire même un sentiment d’échec par rapport à ceux qui étaient mis au courant de tout par leur environnement et leurs conditions. Je me cachais et évitais les contacts pour ne pas devoir répondre à la sempiternelle question « alors ça avance ? » ou « c’est pour quand, la soutenance ? ». Je n’avais donc aucune idée du dossier idéal pour devenir universitaire. Je ne pouvais me permettre ce luxe, d’ailleurs, puisque je vivais avec à peine 350-400 euros de revenus. Mon directeur de thèse n’a absolument pas fait son travail de suivi pédagogique, il lisait à peine ce que je lui donnais. Lorsque j’ouvre la thèse aujourd’hui, je me rends bien compte qu’il y avait des choses qui ne pouvaient rester en l’état, mais à l’époque je ne pouvais pas les voir tellement j’étais impliqué dans le sujet. Je sais maintenant que c’est le lot de beaucoup de doctorants et l’état de nombreuses thèses soutenues.

 J’ai tenté, après la soutenance, de reprendre contact avec mon directeur de recherche pour lui demander des conseils, mais grande fut ma surprise de constater qu’il m’ignorait et ne voulait même pas me rappeler. Après plusieurs tentatives, j’ai finalement pu l’avoir au téléphone. Depuis ce jour, je ne sais pas ce que je dois penser de cette discussion, puisqu’il m’a clairement fait comprendre qu’il ne pouvait rien faire et qu’il n’était au courant de rien alors que c’est tout de même un professeur agrégé dans une grande université. Je lui ai fait part de mes problèmes matériels du moment et de mon désarroi, et là, il m’a conseillé, sur un ton ironique je suppose, d’aller… braquer une banque. Inutile de vous dire qu’après avoir raccroché le combiné, j’étais partagé entre abattement et révolte face à tant de mépris.

 Je ne me suis tout de même pas arrêté à un appel téléphonique (simple erreur de casting ?), j’ai poursuivi les démarches pour trouver des heures de cours à la fac maintenant que j’ai compris à quoi doit ressembler un dossier type. J’étais même prêt à faire des TD sans rémunération à cause de ce décret de la honte que vous dénoncez à juste titre [décret n° 87-889 du 29 oct. 1987]. Par chance, j’ai pu trouver ce que je voulais et j’ai même été payé au premier semestre car il s’agissait d’un cursus particulier, mais au second : « niet ». Cela dit, je savais à quoi m’en tenir, donc je l’ai fait du mieux que je pouvais pour ne pas pénaliser les étudiants qui ne sont pas responsables de ces aberrations. J’avais demandé à mon directeur de thèse si je devais écrire des articles pour le dossier, il m’a répondu avec toute la certitude du monde : « Non, la thèse suffit ». J’ai reçu cette information en toute confiance, n’imaginant pas une seule seconde qu’un universitaire du sérail ne soit pas au courant des règles du jeu. Mais ce fut là ma grande erreur, car la sentence du CNU a été en ma défaveur à cause de cet élément manquant : la thèse ne suffit pas, il faut être publié.

 J’ai lu vos remarques concernant les rapports établis sur chaque candidat, je me reconnais parfaitement dans vos dires. J’ai même pleuré à la lecture de l’un des rapports me concernant tellement il était “méchant”, méprisant et de mauvaise foi : des phrases sorties de leur contexte pour leur faire dire n’importe quoi. Bref, entre la paraphrase du rapport de soutenance et la mauvaise foi personnelle de chacun des rapporteurs, je n’ai rien trouvé de pertinent ni de constructif dans les rapports du CNU. Il m’a fallu quelques jours avant de me remettre de cette humiliation, et de me résigner à reprendre une telle procédure puis me représenter à nouveau pour ce soi-disant concours. 

Cette fois, j’ai écrit des articles qui ont été publiés et j’ai envoyé une cinquantaine de dossiers dans toute la France pour trouver un poste d’ATER. J’étais prêt à partir n’importe où pourvu que l’on ne me prive pas de ma chance. J’ai peut-être exagéré sur la quantité, mais n’étant pas du tout soutenu par mon directeur de thèse, je voulais garantir mes chances d’être pris quelque part. C’est chose faite, cela a d’ailleurs été plus facile que prévu. Mais je crois que pour être désormais habitué à toujours me trouver face à des montagnes à déplacer, les efforts que je fournis dépassent parfois ce qui est nécessaire.

 Toutefois, par statut, l’ATER demeure un élément précaire. Et me revoilà encore dans cette procédure du CNU. Mon dossier a certes changé de contenu, mais la crainte d’un second échec est encore plus puissante. C’est une crainte qui me paralyse de jour en jour à tel point que je pense demander un “remontant” à mon médecin pour ne pas sombrer dans une grave crise d’angoisse.

 Je ne sais plus quoi penser de tout cela, si ce n’est que je me sens très seul, car personne ne parvient à comprendre l’intense douleur de celui qui, après tant d’années de travail passionné et surtout de sacrifices, se retrouve sur le carreau et dans la précarité. En bref, seules les personnes ayant fait une thèse et se retrouvant dans de telles situations peuvent comprendre ce sentiment de profonde déception. Le système ne fonctionne pas, ou plutôt il fonctionne très partiellement et dans l’hypocrisie. La plupart des gens vous envient vos titres et cherchent la moindre occasion pour vous descendre, car ils pensent que vous avez atteint le “nirvana” intellectuel et social. Malgré un semblant de dignité que l’on essaie de garder pour ne pas sombrer, on perd très vite cette étincelle qui nous a fait déplacer monts et montagnes. Je ne désespère pas, je poursuivis encore cette lutte, mais le jour où tout ceci sera fini, je sais que je n’en tirerai aucune joie, alors que ce devrait être l’inverse. A quoi bon délivrer des titres et diplômes de haut niveau si c’est pour anéantir par la suite leurs détenteurs ? Ce que j’en conclus est vieux comme le monde : pour certains, les choses sont très simples et, pour d’autres, sans doute la majorité silencieuse, honteuse et résignée, il reste un vague idéal. Heureusement, il paraît que “tous les hommes naissent libres et égaux en droits”, n’est-ce pas ? Si c’est une question, je vous laisse imaginer ma réponse...

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